Saturne et Vénus : structure et spontanéité

Saturne et Vénus : comment réconcilier structure et spontanéité

Temps de lecture : 17 minutes

Voici un article foisonnant de Dane Rudhyar sur Saturne et Vénus, où on découvre un Rudhyar aux multiples facettes. Il est compositeur de musique, penseur de son époque, fin psychologue. Et astrologue nourri à la fois de structure (pour lui, le thème natal manifeste un certain « ordre ») et de spontanéité dans l’interprétation.

J’ai ajouté ici quelques sous-titres pour faciliter la lecture. Par contre, le texte en pdf est littéralement conforme à l’original. Vous pouvez le télécharger ici.

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Comment intégrer spontanéité et planification

Cet article a été publié par Dane Rudhyar dans le magazine Horoscope de décembre 1964.

De nos jours, de nombreux jeunes se sentent attirés par les chanteurs folkloriques qui s’accompagnent à la guitare. Et les chansons de caractère espagnol, passionnées et apparemment totalement libres, qui appartiennent à la catégorie des flamencos, suscitent un grand enthousiasme chez un nombre croissant d’adeptes américains. 

Au début de ce siècle, la plupart des musiciens pensaient que toutes ces chansons populaires étaient des expressions spontanées des gens du peuple. En particulier des paysans lors des fêtes de village. Ou autour des feux de cheminée pendant les longues et belles soirées d’hiver. On disait souvent que dans ces chansons, on pouvait entendre l’âme même du peuple qui s’exprimait librement dans des improvisations émouvantes. Sans être gênée par les règles savantes de la musique professionnelle.

La musique, mélange de structure et de spontanéité

Cependant, des compositeurs érudits – comme Bela Bartok en Hongrie et en Roumanie – ont collecté et étudié un grand nombre de chansons populaires de leurs pays. Et des étudiants très compétents ont analysé les bases sur lesquelles les flamencos espagnols se sont construits. Ainsi que les traditions liées de manière indélébile au jeu de la guitare ou d’autres instruments populaires. 

On a alors découvert que les chansons qui exprimaient si spontanément et peut-être naïvement « l’âme du peuple » étaient en fait basées sur les modes ou les gammes de la musique d’église, encore plus ancienne. Ou sur des concepts numériques et symboliques dont les sources se trouvaient dans les traditions pythagoriciennes ou mystiques-occultes. Même le mot « flamenco » s’est avéré dériver du nom d’un oiseau, le flamant. Ce qui implique un fond complexe de significations symboliques traditionnellement associées à cet oiseau.

Pas de vraie spontanéité sans structure

Si je mentionne ces faits, c’est parce qu’ils sont très révélateurs. Ils montrent en effet comment les expressions apparemment les plus libres et les plus spontanées de gens simples et sans instruction sont en fait conditionnées. Par des modèles et des concepts formulés par des hommes soigneusement formés pendant de longues années dans des lieux d’apprentissage sacrés, religieux ou occultes.

Ces hommes, imprégnés de la pensée sacrée, ont fourni dans le passé les fondements d’une nouvelle culture. Les symboles et les proportions artistiques et musicales qu’ils ont incarnés dans des images et des chants sacrés ont été repris. Mais simplifiés, vidés de leurs significations profondes. Et utilisés comme cadre dans lequel « le peuple » en est venu à exprimer dans des expressions spontanées. Ses sentiments, son amour, son angoisse, sa révérence devant les grands mystères de la vie toujours renaissante et de la mort toujours présente.

En d’autres termes, chaque fois que nous trouvons la spontanéité et l’improvisation dans les effusions populaires collectives de sentiments, nous devons nous rendre compte que cette liberté apparemment absolue n’est que relative. Les improvisations sont fondamentalement structurées par des modèles et des concepts créés au préalable. Par de grands esprits qui ont établi des formes et des gammes de base. Grâce à des inventeurs qui ont construit des instruments en fonction de formes symboliques. Par exemple, la guitare a été conçue à l’origine par rapport à la forme d’une araignée. Un animal très utilisé dans le symbolisme primitif en raison de sa capacité à tisser selon des formes géométriques précises.

La véritable liberté

Conditionnement de la structure et liberté du flux spontané des sentiments. Ces deux éléments constituent les polarités essentielles du comportement humain. La spontanéité exige un sens profondément accepté de la structure de base. Quelqu’un, quelque part, a planifié. Il a mené la réflexion qui a cherché à exprimer un accord fondamental avec les grands rythmes de la vie, de la terre, du cosmos tout entier. 

Dans les églises, les temples, les écoles d’initiation ou les guildes, les principes de cette syntonisation ont été intégrés par le paysan, le néophyte ou l’apprenti. Inconsciemment dans la plupart des cas. Ainsi sont apparues des fondations structurelles. Elles sont devenues le cadre dans lequel la spontanéité pouvait se manifester librement, simplement. Parce qu’elle était maintenue dans des limites sûres par les structures autrefois « sacrées » des symboles ou des échelles musicales.

Saturne et Vénus

Structure et spontanéité en astrologie ? On peut dire que ces deux facteurs de toute activité humaine significative correspondent respectivement à Saturne et à Vénus. 

Saturne désigne le cadre conditionnant dans lequel les émotions de l’individu (ou d’une collectivité humaine) sont libres de s’exprimer. En toute sécurité dans des formes, des gestes ou des tons. Par exemple à travers les arts plastiques, la danse et la musique. 

Vénus donne au poète ses humeurs, ses angoisses, ses extases. Mais Saturne lui fournit des mots et une syntaxe collectivement compréhensibles. 

Entre Saturne et Vénus, qu’est-ce que le chaos ?

Le « chaos » commence lorsque les cadres de référence traditionnels d’une culture (Saturne) sont détruits consciemment ou négligemment ignorés. Quand les individus chantent, peignent, écrivent sans aucun cadre de référence compréhensible ou communicable. Quand ils se glorifient d’une spontanéité inconditionnelle, non structurée, non engagée.

« Le chaos peut néanmoins signifier un état de « con-fusion » (le « melting-pot » des races et des cultures). Et il le faisait dans la Grèce antique. Un état dans lequel « fusionnent » des structures et des traditions anciennes et obsolètes. Afin que de nouveaux symboles et de nouveaux modes de comportement puissent émerger. Le processus de dissolution structurelle (Neptune) suit le choc d’une nouvelle révélation (Uranus). Il conduit à une condition d’atomisation (Pluton) nécessaire à l’émergence de nouvelles potentialités d’intégration (la planète Proserpine, encore inconnue ?).

Potentialités et spontanéité

Ces nouvelles potentialités, cependant, ne surgissent pas « spontanément » au sens habituel du terme spontané (signifiant littéralement « de soi-même »). Elles se manifestent à certains moments au sein des « semenciers » qui ont connu l' »enfer » plutonien dans les ténèbres du sous-sol. Le lieu où sont toutes les graines avant la germination. 

Mais ces potentialités se manifestent comme le résultat d’une « descente de l’esprit ». Et cet esprit est celui de Dieu. Ou (ce qui signifie à peu près la même chose) de l’homme, l’âme de l’humanité tout entière. Ce n’est que plus tard que le résultat de cette imprégnation divine – le petit germe – percera la croûte de la vieille graine. Une percée spontanée ? Certes, mais chaque germe porte en lui le schéma génétique de l’espèce vivante dont il est l’expression. Il porte une structure issue de Saturne.

Saturne et Vénus : structure et mutation

Il peut y avoir eu une mutation entraînant une modification structurelle. Voire une transformation radicale. Mais il s’agit toujours d’une structure. Elle résulte d’une activité de planification. Le sculpteur médiéval était vraisemblablement libre d’imaginer de nouvelles formes. Elles révélaient, sous l’inspiration de Vénus, l’élan de sentiments qui étaient vraiment les siens.

Pourtant, son œuvre s’inscrivait dans une place spécifique au sein de l’immense édifice de la cathédrale. Elle appartenait à un vaste effort humain et culturel. Il ne savait peut-être pas comment il savait pourquoi il utilisait certaines formes et proportions. Mais ce savoir inconscient était la voix de Saturne en lui. Saturne qui, à l’origine, était le souverain de l’âge d’or (c’est-à-dire des tout débuts d’un grand cycle d’évolution humaine).

Saturne, gouverneur de l’âge d’or

Nous avons perdu le sens de ce symbole originel de Saturne. L’adolescent, excité émotionnellement par Vénus, se rebelle contre toute contrainte saturnienne. Il se précipite sur les chemins du désir déstructuré de Mars pour n’importe quel objet qui l’excite.

Saturne n’est plus pour lui le dieu-père que son insécurité enfantine vénérait et aimait autrefois. Celui qui avait structuré son être. Peut-être le « dieu » a-t-il perdu sa stature divine en se révélant une figure non substantielle, incapable d’irradier les sentiments de sécurité dont l’enfant en croissance avait besoin pour grandir. Le père « humain, trop humain » est alors apparu à l’enfant comme un autocrate. Lequel imposait des exigences arbitraires et étant lui-même plein de peurs et d’anxiété. 

Le rejet inconscient de Saturne

L’adolescent, en conséquence, répudie le plus souvent aujourd’hui toute paternité, toute image saturnienne. Il a envie de s’exprimer « spontanément », de faire ce qu’il « sent », dans une liberté inconditionnelle et sans engagement. Du moins se croit-il libre !

Mais cette répudiation de Saturne n’est pas du tout le même type de répudiation que celle de la personne plus mûre. Celle qui a fait l’expérience des révélations d’Uranus et de la dissolution et de l’atomisation des anciennes images et symboles d’une tradition par laquelle elle avait été structurée et à laquelle elle s’était engagée consciemment. 

L’adolescent de 12 à 14 ans n’a pas réellement connu l’acceptation consciente et individuelle d’une tradition saturnienne. Il n’a fait que subir passivement l’autorité plus ou moins arbitraire des parents et des enseignants des premières années de scolarité. Il s’agit, en effet, d’une situation entièrement différente. L’adolescent se précipite dans son monde d’adolescent en se rebellant contre toute autorité. Il ne le fait pas parce qu’il y a du « chaos » (selon ma définition du terme) en lui, mais parce qu’il y a un vide vierge. 

Une spontanéité illusoire

Et il essaie désespérément de combler ce vide de l’âme par toutes sortes de stimulations. Que notre société avide lui fournit abondamment sous forme de télévision lascive, de magazines aux illustrations voluptueuses et de livres de poche sexy. Car les adolescents constituent un merveilleux marché pour les profits de toutes sortes.

Dans l’Europe du XIXe siècle, les garçons âgés de 16 à 18 ans se rendaient à l’université. Ils désiraient trouver le type de cadre de référence saturnien qu’ils pouvaient accepter consciemment en tant qu’individus. Au lieu de le subir passivement comme lorsqu’ils vivaient dans leur famille dominée par une figure paternelle plus ou moins efficace. 

Les universités sont souvent devenues des centres d’activité révolutionnaire. Car le jeune était confronté à de nouveaux concepts plus larges et stimulants. Et il souhaitait s’engager dans ce grand Saturne, représenté par des professeurs souvent éminents et progressistes. Il acceptait délibérément ce Saturne comme un cadre dans lequel verser une spontanéité émotionnelle.

Cette spontanéité vénusienne ne se dissipait pas alors en une constante promiscuité semi-sexuelle avec les filles de sa classe. Et ses « semailles d’avoine sauvage », bien que plus grossières dans la plupart des cas, étaient moins dispersantes sur le plan énergétique. Car elles étaient rarement investies d’une signification affective profonde. 

Le mariage, après la sortie de l’université, réactivait le plus souvent les traditions saturniennes de sa famille. Mais il s’agissait alors d’un Saturne consciemment accepté. Il s’agissait d’un Saturne que le jeune mari, travaillant généralement selon des traditions ancestrales, savait qu’il utiliserait avec autorité. Pour encadrer la conscience naissante de ses propres enfants.

La quête de l’adolescent entre Saturne et Vénus

L’adolescent d’aujourd’hui ne trouve pas de fondements saturniens vraiment vitaux et convaincants dans son foyer paternel. Son véritable problème est de trouver une image saturnienne valable incarnée par une personne qu’il peut aimer et respecter. Une personne qui peut lui fournir un nouveau et plus grand cadre de référence pour sa spontanéité émotionnelle vénusienne. 

Il doit s’agir d’un cadre de référence inspirant, dynamisant et inclusif. Qui exige du jeune une repolarisation de ses énergies vitales sans but. Et qui soit suffisamment puissant pour être accepté comme s’il s’agissait d’un maître d’œuvre à la discipline duquel on obéit volontiers. 

C’est la raison pour laquelle les jeunes Allemands ont rejoint le parti nazi. Et les adolescents français ont rejoint il n’y a pas longtemps la clandestinité des groupes d’activistes en Algérie et en France. Is étaient prêts à sacrifier leur vie parce que le « Mouvement », ou le parti, leur fournissait un cadre structurel. Un cadre qui stabilisait et donnait une forme à leur vie jusqu’alors sans but, incohérente, déstructurée et surtout vide.

Le vide de l’existence

La vie semble vide s’il n’y a pas de structure saturnienne pour tenir ensemble et donner une direction aux contenus émotionnels de l’existence quotidienne. Une telle vie n’a qu’un seul but déterminant : l’auto-indulgence

L’auto-indulgence est l’aspect négatif de Vénus. Vénus représente principalement chez l’homme son « sens des valeurs ». Mais sans un cadre de référence projeté par Saturne, la seule valeur acceptable est de se procurer du « plaisir ». Toutes sortes de plaisirs, de la masturbation (solitaire ou non) à la vitesse des voitures de sport. 

Une vie contrôlée par le besoin impérieux d’obtenir des sensations agréables et des « coups » est une vie dans laquelle le facteur Saturne a abdiqué ou a été détrôné, voire assassiné. Aux États-Unis, la majorité des pères ont abdiqué. Beaucoup ont été détrônés en même temps que les grands symboles de la tradition. Et un bon nombre d’entre eux sont impitoyablement détruits par leur progéniture aigrie ou qui s’ennuie profondément.

Un Saturne nouveau et puissant face à Vénus

Aujourd’hui [1964], au seuil d’une période significative opposant Saturne à un rassemblement explosif de Pluton, Uranus et Mars en Vierge, la question prend un sens crucial et critique. Nous devons comprendre ce que Saturne signifie en tant que « souverain divin de l’âge d’or ». Un nouvel âge d’or qui, tôt ou tard, doit venir. Cependant, nous devons être clairs sur ce qui caractérise un « âge d’or ». Et ne pas tomber dans de vieux stéréotypes sentimentaux, comme le font la plupart des gens !

Il semble évident que les planètes en Vierge, dans les mois à venir, ne toléreront pas les modèles saturniens d’une société dont les « dieux » sont morts et remplacés par des autocrates impitoyables ou bienveillants. Des autocrates qui ne peuvent exiger l’allégeance de la jeunesse ni imposer une discipline que rien ne soutient plus. Sauf des questions de commodité et de confort. 

Mais de la « mer » des Poissons peut surgir un nouveau Saturne. Un souverain vraiment « divin » qui « gouvernera » de l’intérieur des âmes à nouveau remplies de contenus de vie significatifs et dynamisées par de nobles enthousiasmes et la joie du dépassement de soi. C’est lui que les âmes et les esprits des hommes vides et des femmes frustrées d’aujourd’hui devraient rechercher. 

Son pouvoir réside dans sa capacité à transmettre une vision nouvelle et plus grande de l’ordre universel ainsi que de l’ordre individuel. Il réside aussi dans le sentiment de stabilité et de direction structurelle que sa seule présence suscite. En particulier chez les hommes et les femmes suffisamment désespérés pour n’avoir d’autre choix que le vide lugubre ou l’intégrité structurelle (c’est-à-dire l’autodiscipline). Ils sont aujourd’hui tellement nombreux !

Le royaume du Père (Saturne) est en vous

Saturne et Vénus : ordre structurel et spontanéité. Ces deux facteurs sont présents en chacun de nous. Et tous deux sont nécessaires au développement harmonieux d’une personnalité rayonnante et pleine. 

Il ne peut y avoir de plénitude sans un récipient saturnien pour contenir l’énergie des sentiments. Et il ne peut y avoir de rayonnement sans que ces sentiments ne soient arrivés à maturité. C’est-à-dire sans qu’ils puissent s’écouler régulièrement et avec constance d’une âme suffisamment sûre pour se vider volontairement et avec amour. 

Il importe d’orienter et de diriger l’énergie de Vénus. Sinon elle s’échappe et se gaspille dans une activité périphérique et superficielle dans laquelle le moi central de la personne n’a en fait aucun rôle. Il doit y avoir une « planification », mais pas une planification contraignante, étouffante et bureaucratique.

« L’auberge du sixième bonheur »

Il y a quelques années, dans un film intitulé « L’auberge du sixième bonheur », un jeune capitaine chinois, enthousiasmé par l’idéal d’une Chine nouvelle, affrontait un sage érudit. Le jeune soldat proclamait avec enthousiasme que sa vie était totalement planifiée dans son dévouement à la cause qu’il servait. Et le vieil homme répondait avec un sourire triste : « Une vie planifiée est une vie fermée. On peut la supporter, mais on ne peut pas la vivre. » 

Si tel est le cas, c’est parce que la véritable nature de la planification est mal comprise. Tout sage qu’il était, le vieux savant ne se rendait apparemment pas compte qu’aussi libre et spontanée que lui parût sa propre vie, elle était néanmoins intrinsèquement structurée par une tradition ancienne. Un rituel de conduite accepté de façon innée la maintenait ainsi. Elle avait une direction et un but. 

Mais cette direction et ce but, ainsi que l’attitude si caractéristique du sage chinois de type ancien, n’étaient pas rigides. Ils maintenaient mais ne liaient pas. Ils étaient les manifestations d’un pouvoir de Saturne inhérent à la personnalité. Et non les produits d’une soumission effrayée à un ordre tyrannique imposé de l’extérieur.

Le Royaume des cieux

Lorsque le Christ, dans l’Évangile, parle du « Royaume des cieux », il se réfère à un ordre qui se réalise à l’intérieur de la personne totale. Et il oppose cet ordre aux commandements arbitraires des anciens rois-autocrates. Voire à la loi romaine un peu plus impersonnelle, symbolisée par « César ». 

Le ciel, pour les anciens, signifiait avant tout la représentation de l’ordre universel. Il signifiait le « cosmos » par opposition au chaos. Et le cosmos, en Grèce, désignait aussi « le Beau ». L’ordre et la beauté ne font qu’un. Ils impliquent tous deux des proportions harmonieuses et l’ajustement adéquat de chaque partie d’un tout au fonctionnement efficace de ce tout.

Une vie ordonnée est une vie vécue comme une partie intégrante de la vision d’un « grand tout » dans lequel l’individu se voit plus ou moins clairement comme un participant. Cette participation doit être spontanée, mais elle doit se manifester à sa place et selon sa fonction particulière dans l’ensemble. Elle peut ne pas être délibérément « planifiée ». Mais elle implique la reconnaissance et l’acceptation d’un plan qui l’éclipse. 

Cette reconnaissance et cette acceptation sont des expressions de ce que j’ai appelé, il y a de nombreuses années, « la volonté du destin ». La valeur profonde de l’astrologie est qu’elle peut favoriser une telle prise de conscience de la place et de la fonction de chaque individu dans le vaste organisme planétaire qu’est l’humanité.

Structure, mais non événement

L’astrologie, cependant, ne traite pas (ou ne devrait pas traiter) des événements en tant que tels. Elle nous parle de l’ordre intérieur qui fait de chacun de nous ce qu’il ou elle « est » potentiellement. Et du déploiement ordonné de ce potentiel de semence dans l’arbre de la personnalité. 

Pourtant, on ne peut pas savoir si oui ou non, ou dans quelle mesure, cet arbre de la personnalité manifestera dans la réalisation concrète le potentiel de la naissance. Non seulement une telle connaissance ne servirait à rien, mais elle serait criminelle. Car elle détruirait le sens même de la spontanéité. Et sans spontanéité, « on peut supporter la vie, mais on ne peut pas la vivre ».

L’erreur que commettent tant de personnes est d’associer la planification à la perte de spontanéité. Ce faisant, ils pensent simplement au mauvais type de planification. Aucune planification de vie valide et significative ne dit précisément à quelqu’un ce qu’il doit faire en termes de gestes ou d’actions exacts. La planification porte sur l’ordre structurel d’un cycle d’activité. Mais pas sur les événements particuliers qui constituent le contenu de ce cycle. 

Structure et contenu

L’erreur tragique est que, dans la plupart des cas, nous ne faisons pas la différence entre « structure » et « contenu ». L’astrologie traite de la structure de l’individualité d’une personne humaine, et non du contenu concret de l’existence quotidienne de cette personne. 

Si un gouvernement national décide d’adopter un plan quinquennal et s’efforce d’obtenir un pourcentage déterminé d’augmentation de la productivité nationale globale, il s’agit d’une « planification ». Mais à moins qu’un État policier totalitaire ordonne cette planification, cela ne signifie pas que chaque directeur d’usine se voit dicter la série d’actions quotidiennes qu’il doit ordonner à ses ouvriers d’accomplir.

La véritable planification « structure » l’activité humaine en lui donnant une direction, un objectif général, un sens des relations ordonnées entre toutes les unités impliquées dans cette activité. Elle donne également à ces unités un sentiment d' »appartenance » et une noble fierté de réussite lorsque le but général est atteint. C’est Saturne au travail, un Saturne qui donne la sécurité et la force intérieures. Mais qui n’opprime ni ne lie émotionnellement d’une manière étouffante.

Vénus libéré par Saturne

Dans le cadre du plan global saturnien, Vénus peut et doit opérer avec une liberté créative et une spontanéité exaltante pour l’âme à chaque instant et dans chaque détail de l’opération. Cette liberté et cette spontanéité ne doivent cependant pas se traduire par une pensée lâche, une posture négligée, une technique désordonnée ou une activité non ciblée. Elles ne produiront pas de tels résultats si le sens de l’ordre est réellement vécu au sein de la personnalité, s’il est devenu une nécessité inhérente.

Vénus, elle aussi, se réfère aux éléments de la « forme ». Mais il s’agit de la forme en termes de produits ou d’actions concrètes immédiates. Saturne est le principe de structure qui ordonne des cycles entiers d’activité sans se préoccuper des opérations ou des gestes particuliers. Saturne est l’exécutif qui fixe les objectifs et les modes généraux de fonctionnement. Quelqu’un d’autre doit s’occuper du confort, du bonheur et de l’humeur coopérative des travailleurs. Et ce quelqu’un est le représentant de la fonction de Vénus.

Les aspects entre Saturne et Vénus

Saturne et Vénus se retrouvent dans chaque thème de naissance. Leur position dans le zodiaque et dans les maisons, ainsi que les aspects qu’ils peuvent avoir l’un par rapport à l’autre, sont très révélateurs de la manière dont une personne est capable d’intégrer dans sa vie les éléments de structure et de spontanéité. 

La conjonction de ces deux planètes tend à brouiller les pistes et à faire de Vénus la servante d’un Saturne autoritaire. En revanche, dans le cas d’une opposition, il faut clairement définir et différencier les sphères appartenant respectivement à Saturne et à Vénus. 

La vie dans son ensemble peut être bien structurée. Mais il faut chérir la liberté d’une véritable improvisation sous la direction distante, mais efficace, de Saturne. Une direction facilement manifestée au moment et à l’endroit opportuns.

Le carré entre Saturne et Vénus est susceptible d’apporter des conflits et des problèmes dans la définition de la relation de base entre la liberté et la planification. Tandis que le sextile et le trigone devraient garantir une intégration plus naturelle, voire évidente, des deux polarités du comportement humain.

Intégrer Saturne et Vénus

Il est évident que beaucoup d’autres facteurs dans un thème de naissance sont impliqués dans le problème d’une intégration aussi efficace et harmonieuse. Mais on ne peut résoudre aucun problème sans une prise de conscience claire des facteurs impliqués dans le problème. 

Ce que cet article a cherché à élucider, c’est la distinction fondamentale qui doit être faite entre la structure et le contenu. Entre les forces qui donnent cohérence, direction et but à une vie et ce besoin essentiel de spontanéité et de liberté sans lequel il ne peut y avoir ni véritable bonheur ni rayonnement individuel.

Ces deux éléments de la personnalité complète sont nécessaires. Chacun doit opérer sur son propre plan et dans son propre temps, selon sa propre fonction. Cependant, à chaque instant et en tout lieu, le comportement et la pensée de l’individu doivent incorporer quelque chose des deux. Car l’un ou l’autre, si on le laissé seul, est destructeur d’une véritable intégration. Saturne seul produit de la rigidité et de la sclérose. Vénus, sans les directives et la sécurité de Saturne, gaspille son énergie dans la complaisance.

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