Brian Clark, astrologue australien réputé, m’a autorisé à publier ici le texte que vous allez lire. Je l’en remercie très sincèrement. C’est un texte très inspirant sur la tradition de l’astrologie. Il aide à réfléchir à l’astrologie que nous aimons. Si vous souhaitez en savoir plus sur le travail de Brian, son site est ici.
L’astrologie a une longue tradition. Mais quelle est l’essence, le cœur de cette tradition ? Que se cache-t-il sous l’éventail des symboles, des techniques et des théories astrologiques ? Et comment se retrouve-t-on immergé ou initié dans l’astrologie sans pour autant comprendre ou réaliser pleinement ce dont on fait partie ? J’espère aborder ces questions, et d’autres encore, dans cet article.
Le mot « tradition » vient du latin tradere, qui signifie « transmettre, remettre, donner pour être conservé ». Il suggère la transmission d’informations, de connaissances ou de croyances par le bouche à oreille ou la pratique. Elle implique un mode de pensée bien établi et hérité de longue date, peut-être même remontant à des milliers d’années. Au sein d’une tradition, existent différents modèles de croyances et de coutumes culturelles. Ils emploient des méthodes, des rituels, des techniques et des procédures similaires et reconnaissables. L’astrologie correspond donc parfaitement à cette définition de la tradition.
Bien que le centre d’attention de l’astrologie puisse se déplacer – les techniques se transforment, les prédictions se réalisent et les méthodologies vont et viennent – l’essence de l’astrologie ne change jamais. Parfois l’astrologie a failli mourir, parfois elle a prospéré, mais elle a toujours survécu. Pendant des milliers d’années, elle a été un langage imagé. Une combinaison de symboles façonnés par l’imagination humaine inspirée par les cieux. Une grande partie de notre tradition s’est transmise oralement. De sorte que nos pratiques n’appellent souvent aucune confirmation et ne visent aucun but ; elles sont plus subjectives qu’objectives.
L’astrologie, l’étude des étoiles, se tourne vers la voûte céleste et nous invite – nous ses étudiants – à découvrir le sens, le but et la direction des images projetées sur la toile du ciel nocturne. Notre tradition est un langage symbolique ancien. Comme l’a laissé entendre Dane Rudhyar, lorsque nous connaissons ce langage, le ciel nous parle. (1)
C’est grâce à ce langage symbolique spécifique à notre art que notre tradition survit. Qu’elle s’exprime de manière simple ou poétique, froide ou émotionnelle, dans une langue traditionnelle ou moderne, il existe un fondement commun. Une pierre de touche partagée qui élève l’astrologie au rang de l’une des plus anciennes traditions de l’humanité. Quel que soit le dialecte que nous parlons, nous nous sentons tous réconfortés lorsque nous regardons le ciel nocturne et voyons une conjonction Vénus-Jupiter. Et nous nous lamentons tous lorsque nous prenons conscience que Saturne pèse sur notre Soleil. La cohérence interne de notre tradition nous lie : l’astrologie est en constante évolution, mais reste toujours la même. Inaltérée par ses formes temporaires, elle reste éternelle. Mais quelle est cette essence, le cœur de l’astrologie ? Quelle est sa nature profonde, qui se cache sous le spectre des symboles astrologiques ? Voici quelques réflexions.
Une rencontre avec le divin
Il y a un élément spirituel ou religieux dans notre tradition. Je ne parle pas d’une religion organisée, mais d’une rencontre avec quelque chose de plus grand que nous : un sens du divin, un appel – murmuré par notre âme. L’astrologie est divinatoire par nature, informée par le relevé des dimensions d’un ciel peuplé de personnifications du divin ; nous pourrions donc comparer la tradition de l’astrologie à une imagination éclairée, ou à une rencontre réfléchie avec le divin.
La tradition astrologique est unique en ce sens qu’elle a sa manière à elle de nous appeler. Contrairement à la plupart des traditions, l’astrologie ne peut être systématisée ou réglementée. Elle repose sur une autre façon de savoir qui dépasse le rationnel, le factuel ou le cognitif. Par sa perspicacité, cette connaissance des cieux tisse un fil cohérent et coloré à travers la tapisserie de la tradition astrologique. Nous ne pouvons pas vraiment nous intéresser à l’astrologie sans rencontrer le divin et le prendre en compte. Car notre art fait constamment appel aux noms des dieux. Je me souviens de ma joie, il y a bien des années, lorsque le manuel de mon cours de mythologie classique a porté au crédit de l’astrologie le fait qu’elle prolonge la survie des dieux classiques. (2)
Dans le programme de la conférence de la FAA de 2018, on trouve des citations de certaines voix du passé qui font référence à la rêverie et à la dimension spirituelle de notre étude. En voici une de Vettius Valens :
… mais quand j’ai mis en lumière la théorie divine et vénérée des cieux, j’ai voulu éliminer de mon mode de vie tout vice et toute pollution, et anticiper l’âme immortelle. À partir de ce moment, les choses divines ont semblé converser avec moi, et j’ai acquis la capacité intellectuelle d’enquêter sobrement. (3)
Laissons de côté pour l’instant la question de la purification de « tout vice et toute pollution » et le côté « sobre ». Et apprécions l’élément divin qui traverse l’astrologie – cette fibre de notre tradition qui se tourne vers les cieux, qui stimulent l’imagination, pour trouver l’inspiration, infinie dans ses possibilités. Nous pourrions assimiler cela à un mystère ou à une tradition hermétique. Car elle sert le développement humain, mais là encore, la tradition de l’astrologie ne peut être facilement catégorisée. Elle est de nature divinatoire, cherchant à être guidée par le divin ou par une force supérieure à nous-mêmes. Que nous appelions cette force Déesse, l’univers, l’inconscient, les archétypes, les planètes, les modèles ou le karma, son caractère est au-delà des sensibilités humaines.
Nous pouvons avoir une curiosité intellectuelle pour l’astrologie et être fascinés, étonnés et parfois troublés par sa précision. Il me semble qu’une partie de la tradition veut que l’astrologie reste étonnante, incroyable, stupéfiante, parce qu’elle révèle ce que nous n’avons jamais vu auparavant. Elle est divine en ce qu’elle vit dans le ciel. Et elle est cosmique au sens le plus vrai du terme, en ce qu’elle est parfaite dans sa beauté, mais inconnaissable pour l’esprit humain.
Une multitude de techniques
Intégrées dans notre tradition, il existe d’innombrables façons d’apprendre le langage des étoiles. Mais nous pouvons confondre technique et tradition. Notre tradition comporte des informations techniques, mais ce n’est pas son cœur. La tradition astrologique englobe l’élégance de multiples techniques, dont beaucoup changent au fil du temps. Et, comme pour toutes les traditions, certaines coutumes se perdent, puis se retrouvent. Les techniques ouvrent des portes, mais c’est notre tradition qui nous permet de dépasser ces techniques.
Nous pouvons être dépassés par la complexité des méthodes astrologiques, désorientés devant le grand nombre de procédures, et découragés par les formules contradictoires disponibles ; ce sont pourtant des initiations nécessaires aux rituels de la pratique astrologique. Nous faisons le tri dans la panoplie infinie d’outils pour voir lesquels sont les meilleurs pour nous. Si nous pouvons nous émerveiller de la sophistication et de la précision de la technique, nous ne pouvons jamais dire qu’une technique est meilleure que l’autre. Si nous le faisons, alors l’astrologie se place au niveau du débat intellectuel et de la preuve, la rendant factuelle. Notre tradition implique l’intelligence du symbole, qui ouvre la porte à une autre façon de savoir, qui dépasse le rationnel.
Les symboles : le langage poétique de l’âme
Notre tradition utilise des symboles pour éveiller le sens et stimuler la perspicacité. L’astrologie nous invite à vivre une vie symbolique qui valorise le sacré et le mystérieux, une vie qui nourrit l’âme. Empêtrés dans nos responsabilités professionnelles et nos tâches domestiques, nous pouvons facilement perdre le contact avec notre vie symbolique. Les symboles sont partout autour de nous, même au milieu de notre travail quotidien et de nos tâches banales. Le thème astrologique contient un remarquable agencement de symboles qui nous invite à faire preuve d’imagination. C’est par l’art de synthétiser les symboles astrologiques que nous perpétuons la tradition.
Les symboles sont les agents de ce qui est sans nom, les ambassadeurs de ce qui n’est pas identifié. L’intellect peut donc trouver une grande signification aux symboles. Car ils ajoutent de la valeur à ce qui ne peut être transmis par un cadre philosophique ou conceptuel. Un symbole est neutre en ce sens qu’il ne représente pas quelque chose de spécifique ; il ne juge ni ne moralise, mais nous dirige au-delà de lui-même vers un sens ou une révélation, donnant forme aux vérités oubliées de ce que nous sommes vraiment.
Il y a de nombreuses années, je me souviens que mon professeur Isabel Hickey disait que « l’astrologie traite des symboles, et l’âme parle et pense en symboles » (4), et combien il était nécessaire de trouver un moyen de laisser les symboles se révéler. Oserais-je dire que c’était il y a plus de 40 ans, et que les mêmes symboles dans mon thème natal continuent de révéler des couches et des niveaux de signification plus profonds. Les symboles ne sont pas fixes. Ils ne cessent de vivre, animés et vivifiés par notre investigation approfondie à leur sujet.
Toutes les religions utilisent le langage et les images symboliques pour tenter d’honorer le royaume du divin ou ce qui est hors de portée de la compréhension humaine. Les symboles sont le langage poétique de l’âme. Chaque symbole ouvre un niveau de réalité intérieure qui dépasse notre compréhension cognitive. Pourtant, mystérieusement, ils correspondent à notre réalité extérieure. Ainsi, d’une certaine manière, chaque symbole du thème natal a deux faces. Une qui ouvre la réalité et une qui ouvre l’âme. (5)
Les symboles astrologiques sont à double face. Le langage de l’astrologie est un langage symbolique complexe qui relie les deux mondes de la terre et du ciel, de la nuit et du jour, de la littéralité et de l’imagination, révélant à la fois le monde au sens propre, et l’âme. Notre tradition de l’astrologie attribue une signification aux symboles, sans les fixer ni les définir. Mais en leur permettant d’informer notre imagination. Notre tradition est imaginative. Elle s’est forgée à partir des informations que fournissent les cycles, les passages et les retours des corps célestes. Comme nous l’avons suggéré, nous pourrions appeler cela une imagination informée ou une intuition réfléchie. La technique définit de quoi elle s’occupe, son domaine, sa qualité et ses attributs, mais c’est notre imagination qui ouvre le portail des possibilités.
Notre tradition est antérieure à la montée du rationalisme. Les cieux étoilés sont toujours aussi inspirants et révélateurs qu’ils l’étaient avant d’être mesurés et distingués avec précision ; les planètes sont toujours aussi divines et constantes que lorsqu’elles ont été observées pour la première fois. Pour participer à leurs révélations et être touchés par leur divinité, nous ne nous contentons pas de les mesurer et de les regarder. Nous regardons à travers elles, vers l’éternité du cosmos et ses mystères. Et c’est l’essence même de la métaphore qui émeut les astrologues, quelles que soient leurs croyances. Ces cieux étoilés sont l’expérience éternelle et constamment rassurante d’un monde bien plus grand que notre compréhension ; les cieux étoilés sont au-delà de notre intelligence et parfaitement ordonnés dans leur nature propre.
Chaque fois que nous faisons référence aux cieux, nous honorons une intelligence supérieure à la nôtre et participons au mystère et au caractère sacré de l’esprit qui anime le cosmos. L’astrologie nourrit la psyché pré-rationnelle quand, chaque nuit, le ciel plein d’étoiles porte encore témoignage du divin.
Des vérités imaginatives
La métaphore racine de l’astrologie sur les cieux étoilés souligne toutes ses techniques et méthodes, quelle que soit l’école de pensée que nous suivons. Il n’est pas étonnant que ceux qui pratiquent l’astrologie fréquentent la magie, qu’il s’agisse d’astrologie financière, psychologique, traditionnelle ou moderne. Mais nous ne pouvons pas apaiser les rationalistes ni dissiper les critiques des sceptiques. Car on ne peu ni mesurer ni peser les vérités imaginatives. Elles ne sont pas non plus visibles dans une éprouvette ou sous un microscope.
C’est la troisième oreille qui entend la métaphore et le troisième œil qui, à travers la littéralité du ciel mesuré, plonge dans ses révélations inspirées. Urania, la muse de l’astrologie, nous rappelle que les brillantes lumières nocturnes du ciel ont capté notre imagination et nous ont guidés bien avant que nous ayons les moyens de les mesurer ou d’articuler leur synchronisation. Nous ne trouvons pas facilement les mots pour décrire le mystère de l’astrologie, et nous n’en avons pas besoin. Une fois que nous sommes émus par ses révélations profondes, l’astrologie vit en nous, et non pas à l’extérieur, dans un monde qui a besoin de corroborer une expérience.
(à suivre)
(1) Dane Rudhyar, « Le thème de naissance comme message céleste », exposé présenté à la Convention de l’AFA de 1976, http://www.khaldea.com/rudhyar/astroarticles/celestialmessage.shtml
(2) Morford and Lenardon, Classical Mythology, 5th Edition, Longman, 1995, p. 562.
(3) Vettius Valens, Anthologiarum libri novem, ed. David Pingree, VI, 1.15-16, B. G. Teubner, Leipzig (1986), p. 232.6-10, traduit par Dorian Gieseler Greenbaum.
(4) Cela ressemble à ce que dit Isabel Hickey dans la préface de son livre, Astrology : A Cosmic Science, Altieri Press, 1972, p. 6.
(5) Paul Tillich, « The Nature of Religious Language », dans Theology of Culture, Oxford University Press, 1959, pp. 56-57.
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