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Une tradition en mutation – Seconde partie

Temps de lecture : 10 minutes

Voici la seconde partie de l’article que Brian Clark, astrologue australien réputé, m’a autorisé à publier sur mon blog. Je l’en remercie très sincèrement. Il poursuit ses réflexions sur l’astrologie, tradition transformatrice. J’espère que vous apprécierez autant cette seconde partie que la première. Si vous souhaitez en savoir plus sur le travail de Brian Clark, son site est ici

L’appel à l’astrologie 

Pendant la plus grande partie de notre histoire (avec, bien sûr, des exceptions notables), l’astrologie n’a pas fait partie du courant dominant. Elle va souvent dans une autre direction, surtout lorsque la culture ne laisse pas de place à l’imagination. 

À l’ère moderne, les astrologues se sentent souvent privés de leurs droits et marginalisés. Et pourtant nous nous relions pour célébrer notre tradition, comme nous le faisons lors de conférences. Nous créons des organisations comme la FAA (1) pour abriter notre profession d’astrologue, pour reconnaître collectivement qui nous sommes et pour être responsables de notre tradition (en fixant des normes et en promouvant une pratique éthique, par exemple). Mais en tant que profession, l’astrologie reste une vocation dans la mesure où les astrologues en activité suivent leur propre voie, sans congés payés ni indemnités de maladie, ni salaire minimum, ni revenu garanti. 

Les astrologues sont appelés à suivre la voie de l’astrologie. Mais cela ne signifie pas nécessairement être un professionnel à plein temps. Pour moi, ce que cela suggère, c’est d’être responsable de la tradition. En tant qu’étudiant débutant, nous pouvons ressentir une grande responsabilité pour « bien faire » lorsque nous faisons le thème de quelqu’un. Pourtant, ironiquement, nous sommes les seuls à pouvoir le faire « bien ».

Notre première tâche est de nous assurer que nous avons bien étudié les principes, les pratiques et les techniques astrologiques. Avant de nous lancer dans des évaluations ou des appréciations astrologiques. Mais lorsque nous commençons à participer et à nous intéresser aux symboles de nos thèmes et de ceux des autres, nous sommes seuls. Alors que ce que nous voyons, sentons, ressentons ou savons est influencé par les symboles du thème natal, il apparaît à ce moment-là à travers nous. Nous sommes dans une réalité participative, car notre propre compréhension et notre expérience éclairent la signification du symbole. 

L’astrologie est un chemin, et nous marchons tous différemment sur ce chemin. Il n’y a pas de bonne voie pour tout le monde, seulement la voie. Et celle-ci se définit par nous, notre tempérament, ou, comme dirait Isabel Hickey, nos vies passées. Lorsque nous sommes sur le chemin de l’astrologie, nous avons des guides, des professeurs et des collègues qui peuvent nous aider à comprendre. Mais nos expériences et nos idées seront différentes des leurs. Par conséquent, notre tradition peut inclure des moments où l’on ressent la solitude. 

Mais il existe aussi une tradition d’autres personnes qui ont suivi la même voie et ont découvert la magie et le mysticisme par elles-mêmes, comme vous le ferez. C’est pourquoi j’encourage toujours la supervision et la discussion entre pairs. Les traditions reconnaissent le transfert oral de connaissances et un modèle d’apprentissage par l’intermédiaire de leurs précieux aînés.

L’astrologie a un héritage d’enseignants remarquables qui nous ont précédés et nous ont donné la profondeur et la grandeur de leur sagesse. Reconnaître l’aîné est important, et savoir que l’aîné nous montre des choses d’une manière que nous ne comprenons ou n’acceptons pas toujours – c’est la voie de la sagesse. Nous trouvons nos professeurs et, comme disait l’un de mes premiers professeurs, « l’élève surpasse le maître ». C’est dans la tradition d’une tradition. 

Sensibilité symbolique, pensée magique 

Il y a de la magie dans l’astrologie. On peut l’envisager de deux façons : la magie organisée ou formelle et la magie spontanée. Historiquement, on associe l’astrologie à la magie – les papyrus magiques grecs et le Picatrix (2) nous viennent à l’esprit. Si la tradition a peut-être flirté avec la magie organisée, elle est en soi magique, non pas par une technique, un sort, un chant ou un rituel de pleine lune. Par une participation authentique et une sensibilité à ses symboles.

De nombreux astrologues ont fait l’expérience de la magie, du spiritisme, de l’occultisme et de toutes les formes de mystères qui nous enchantent. Mais pour moi la tradition de la magie en astrologie naît du travail spontané et participatif avec le symbole. La magie astrologique n’est pas une manipulation. Elle fonctionne à travers nous lorsque nous nous engageons avec ses symboles, les honorons et y participons d’une manière intelligente et respectueuse. 

Les praticiens de la magie étaient des mages. Et tout au long des temps anciens, ils comprenaient les praticiens de l’astrologie. Notre tradition a également été liée à l’ancien rôle de prêtre et de voyant. D’une certaine manière, cette magie de l’astrologie est le fait de voir à travers ou de voir au-delà. Même si, parfois, elle peut être liée à la pratique de la magie. Cependant, il ne s’agit pas d’une magie littérale, mais de la magie des étoiles. Que nous l’appelions synchronicité, psyché ou sixième sens, la pratique astrologique ouvre un portail vers un autre monde. 

William Lilly me vient à l’esprit (3). Lorsque Lilly a commencé à pratiquer l’astrologie, il expérimentait également diverses formes d’occultisme. Par exemple les descriptions de la magie talismanique, l’observation des cristaux, l’invocation des esprits et autres « incredibilia », comme il les appelait. Comme il le suggère, c’est sa participation active à ces pratiques qui a contribué au déclin de sa santé. Car il devenait « de plus en plus maigre et économe et chaque jour pire » (4).  Ce fut l’impulsion qui l’aida à se détourner de ses pratiques magiques. Et quelques années plus tard, il brûla ses manuels de magie.

Peut-on en déduire que l’apprentissage magique de Lilly a inspiré ses succès dans son travail d’astrologie horaire ? Je suis plus enclin à considérer que Lilly est naturellement en accord avec le magique. Comme on pourrait dire que certains sont plus en accord avec le symbolique ou avec le spirituel. Lorsque la tradition est pratiquée, la magie se produit, les symboles parlent et l’esprit se déplace. Nous n’avons pas besoin de fabriquer de la magie ni de la forcer à se produire ; elle se produit instinctivement lorsque nous sommes ouverts à ses symboles. Avec le temps, cela devient plus évident. Comme toute tradition, il est important de laisser cette évolution se faire à son propre rythme. 

Si nous devions attribuer une divinité grecque à la magie, ce serait Hécate. Elle était la fille d’Asteria, dont le nom signifie à peu près « la nuit étoilée » ou « la nuit des étoiles », dérivé du grec aster. La magie a toujours été liée aux étoiles. Il est intéressant de noter qu’Apollon, le dieu des oracles, est le neveu d’Asteria et le cousin germain d’Hécate. La magie, les oracles et les étoiles sont donc alignées dans le mythe grec. 

Âme, personnalité et pouvoir 

La caractérisation de l’âme et sa relation avec le thème natal varient considérablement dans la tradition astrologique selon l’époque, le praticien, ses croyances spirituelles et son orientation philosophique. Même si la question de l’âme est ambiguë et ouverte à l’interprétation, elle est le battement de cœur de l’astrologie. Evocatrice, la notion d’âme produit un ensemble d’idées, d’images, de croyances et de sentiments. Mais une chose semble commune, et c’est que l’âme semble détachée de ce monde et éternelle.

C’est une qualité invisible qui donne vie à la vie, une braise qui couve et qui devient une flamme passionnée. On ne peut ni fabriquer l’âme ni la transformer en marchandise. Mais elle est présente dans une pensée éphémère, une expérience profonde, dans des moments de réflexion et intemporels ou dans le sentiment d’angoisse d’être humain. 

On a beaucoup associé les premières racines de l’âme au souffle de vie dans le corps. Pourtant, l’âme transmet quelque chose de plus que le simple souffle. Elle est ce qui donne à la vie sa force, sa profondeur et sa substance. En tant qu’image du souffle de vie, l’âme authentifie le thème natal. Qu’on pourrait assimiler à une méditation de toute une vie sur le premier souffle de vie.

Le thème s’apparente à l’âme. Sa combinaison de symboles invite à contempler une vie vécue dans l’authenticité. Il révèle notre monde intérieur et notre nature spirituelle. J’imagine que le thème natal est comme un rêve vivant : le rêve de sa propre vie. Et comme un rêve, il nous appelle à participer à une conversation avec notre âme, quelle que soit notre imagination. Comme l’âme elle-même, le thème natal couvre deux mondes : l’incarné et le céleste. Il peut exister dans le passé, le présent ou le futur tout en restant intemporel. 

Je pense que la pratique de l’astrologie est un acte de création de l’âme. Car fréquenter ses symboles nous aide à les intérioriser, à les apprivoiser, à en être conscient, à les respecter. Nous donnons une âme à notre monde en nous impliquant activement avec les symboles astrologiques. Et lorsque notre monde se trouve doté d’une âme, il devient plus riche, plus significatif et plus spirituel. Lorsque nous nous connectons avec les symboles de notre thème natal, ils deviennent des réalités psychiques intériorisées et une âme. Nous pouvons avoir de nombreuses conceptions de l’âme et de son voyage. Mais en fin de compte, la tradition est engagée dans la question de l’âme et de son mystère. 

Pourtant, comme toutes les traditions, l’astrologie comporte des ombres et des dangers qui peuvent nous conduire à la grandiosité, à l’inflation et à l’arbitraire lorsque nous pensons avoir les réponses – ou, pire, la réponse à tout. Lorsque James Hillman s’est adressé à un groupe d’astrologues à Bath en 2005, il a mentionné le danger du « pouvoir émotionnellement contraignant » de l’astrologie. Il a suggéré que « parce que l’astrologie est archétypale, elle est d’une puissance irrésistible et donc dangereuse » (5).

Lorsque la personnalité prend le pas sur l’âme, le pouvoir de l’astrologie peut être utilisé avec arrogance plutôt qu’avec humilité. Il y a souvent une énigme quant à la façon dont on utilise l’astrologie. Car l’âme et la personnalité sont comme les deux poissons du signe des Poissons qui se déplacent dans des directions opposées. Utilisons-nous nos connaissances et notre compréhension pour soutenir et développer la tradition de l’astrologie, ou simplement nous-mêmes et notre ambition ? 

Le savoir astrologique peut déclencher un pouvoir, un pouvoir hypnotique qui peut nous élever sans pour autant nous sauver. Lorsque nous sommes sous l’emprise de ce pouvoir, nous pouvons être gonflés par ce que nous savons (ou pensons savoir), offrir des conseils plutôt qu’une assistance, devenir catégorique et essayer d’être convaincant. Lorsque ce pouvoir est hypertrophié, nous sommes pris dans une façon binaire de penser, soumis à la dérive du savoir aux allures prophétiques qui naît du vide de l’ignorance.

L’ignorance nous permet d’être ouverts à la connaissance. Il est donc important de nous occuper d’abord de notre développement personnel et de notre état de conscience. Et comme le conseille la parabole zen, nous devons faire la vaisselle, nettoyer la maison et prendre soin de nous-mêmes avant que l’astrologie trouve sa place dans le contexte de notre vie quotidienne. 

Les suppliants qui adressaient une requête au divin au temple d’Apollon à Delphes se voyaient rappeler « Connais-toi toi-même ». L’art de la divination a besoin de contemplation et de méditation pour que le sens devienne clair. Ce n’est pas un processus simple. La connaissance devient connaissance par ce processus de discernement et de réflexion. 

Le danger auquel Hillman a dû faire face « pendant de nombreuses années et de nombreuses manières dans de nombreux écrits [était] le littéralisme » (6). L’astrologue est souvent contraint de devenir littéral, factuel et prédictif, ou de dire à ses clients ce qu’ils veulent entendre. Une partie de notre tradition consiste à exprimer le symbole et, ce faisant, à voir à travers lui, au-delà de lui, à être divinatoire.

C’est un grand danger si nous prenons les images astrologiques pour signifier qu’elles existent dans le temps chronologique ou terrestre. Comme je l’ai déjà mentionné, l’ironie est que ces images existent souvent. Ce n’est pas par un effet de cause à effet ou un transit de Saturne. Mais par un phénomène inexplicable qui se produit par le biais d’une participation mythique et symbolique lorsque nous nous engageons consciemment dans l’imagerie astrologique. 

J’ai réfléchi à l’astrologie en tant que langage, religion et magie ; j’ai survolé la science et la philosophie, mentionné l’âme et ignoré l’analyse des caractères. Notre tradition est un composé de toutes ces choses, et, comme tout composé, le tout est toujours plus grand que la somme de ses parties. L’astrologie se fonde, par nature, sur la révélation et l’intuition. Pourtant, ironiquement, nous sommes souvent incapables de trouver les mots adéquats pour exprimer vraiment son essence et sa profondeur. On peut être témoin d’intuitions et de vérités astrologiques. Mais surtout, on en fait l’expérience grâce à la puissance du langage symbolique de l’astrologie. L’inspiration astrologique est informée, son imagination est focalisée et ses révélations sont réfléchies. Elle est céleste, mais pas hors de notre portée. 

L’astrologie évoque la révérence due à la grandeur de l’espace et à la beauté des cieux. Sa tradition conserve l’imaginaire du ciel nocturne, ce parapluie magique qui couvre nos tête. Et nous inspire de nous engager dans les grands mystères de la vie. Même lorsqu’on l’utilise comme un jeu, avec légèreté et humour, l’astrologie nous transporte vers une autre façon de connaître. Une façon qui suscite en nous l’étonnement, l’admiration et le respect. 

(1) Voir http://www.faainc.org.au/
(2) Le Picatrix est le nom latin d’un traité de magie et d’hermétisme médiéval. Il s’agit de la traduction du traité arabe Ghâyat al-hakîm (« Le but du sage ») écrit au milieu du XIe siècle.
(3) William Lilly (1602-1681) est parfois considéré comme le père de l’astrologie britannique. Son Christian Astrology est toujours étudié. (N. du T.) 
(4) https://classicalastrologer.files.wordpress.com/2012/12/tl_thelifeofwilliamlilly.pdf.
(5) James Hillman, « Le ciel conserve dans sa sphère la moitié de tous les corps et de tous les maladies », conférence donnée lors de la conférence « Retour de l’âme au cosmos » de 1997 : //www.springpub.com/astro.htm (consulté le 15/01/2004 ; n’est plus disponible).
(6) Ibid.

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